Allan et Linda naviguent à travers l’océan Atlantique et la pandémie sur leur Allures 45.9 « Stravaig » depuis l’été 2019. Nous les avons récemment rencontrés pour en savoir plus sur leur relation à la navigation, celle de deux marins de performance expérimentés qui explorent leur passion de toujours pour la voile et les différentes formes qu’elle peut prendre – régate en voile légère ou grande croisière – pourvu que cela soit en double et à bord d’un dériveur.

Stravaig v. [Écosse] : errer, se promener sans but ; traverser, monter et descendre (un lieu).

Coureurs avant d’être croisiéristes :

Pour Allan, la voile de compétition a pris très tôt une grande place dans sa vie, alors qu’il suivait ses études en Écosse, puis à Londres pendant les premières années de sa carrière. Linda a fait son entrée dans le sport lorsqu’ils ont passé du temps à Minorque à naviguer ensemble, d’abord sur Laser, puis sur 420, avant de retourner à Londres où ils ont couru en double sur des dériveurs légers le reste de leur vie professionnelle.

« Linda et moi avons régaté sur dériveur de 1985 à 2012. Dans le sud-ouest de Londres, l’un des grands clubs possédait une importante flotte de Fireball, ce qui nous a attirés vers ce dériveur en double à trapèze unique de performance. Nous avons navigué sur des Fireball pendant plusieurs années jusqu’à ce que les skiffs à spi asymétrique arrivent sur le marché. Ensuite, nous nous sommes joints à d’autres membres du club pour acheter un ISO à la sortie de ce modèle, puis un RS500, dont nous avons rejoint la classe. Nous avons même organisé des championnats du monde de RS500 en 2011, l’année précédant les JO de 2012, sur le site même de Weymouth qui accueillerait les épreuves olympiques de voile ! »

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Allan et Linda lors des championnats du monde RS500 2011, à Weymouth (Angleterre).

Une nouvelle option tactique :

« Nous avons commencé à louer des bateaux au sein de flottilles à partir des années 90, principalement dans la Méditerranée, un peu dans les Caraïbes. Quelques années avant notre retraite, en 2013, nous étions en Grèce pour des vacances en flottille et nous cherchions des idées pour l’après-retraite, et le capitaine de la flottille n’arrêtait pas de parler de ces « corsaires » qui vivaient en déplacement constant. Nous ne savions pas du tout que des gens vivaient sur des bateaux avant cela – que c’était une option tangible qui pouvait s’appliquer à nous. Notre vie avait jusqu’alors été organisée d’une certaine manière. Nous participions activement à des régates de dériveurs et nous partions occasionnellement en vacances en croisière, mais avant tout nous construisions et poursuivions nos carrières respectives : un état d’esprit très différent« , explique Linda. Très vite, ils ont décidé de prendre la mer pour leur retraite !

Stravaig à la Barbade

Stravaig à Barbuda

L’approche de la ligne de départ :

Lorsqu’ils ont cessé de travailler, ils ont rapidement et résolument échangé leur RS500 de 14 pieds contre un voilier de croisière de 41 pieds (baptisé Touch of Grey) sur lequel ils ont vécu pendant plus de 5 ans et parcouru 23 500 milles, « pour tester la vie ». Adoptant un nouvel état d’esprit en tant que croisiéristes, ils sont passés de la navigation diurne à la croisière côtière, puis à une traversée de l’Atlantique et à une croisière sur la côte est des États-Unis qui les a conduits jusqu’en Nouvelle-Écosse. « Nous avons confirmé notre adhésion au style de vie que représente la croisière, mais nous avons aussi rapidement appris les limites du bateau de série de 41 pieds pour les croisières prolongées, la grande croisière et la navigation hauturière. »

« Nous avons commencé à chercher un nouveau bateau en 2017 et avons visité le salon nautique d’Annapolis. Allures n’était pas dans notre radar, mais nous sommes repartis à la fois peu impressionnés par le bateau que nous avions en tête, et positivement marqués par l’Allures 45.9 : disons qu’il a fait mouche ! Il n’y avait pas vraiment de concurrence.  »

« L’Allures 45.9 nous a semblé plus spacieux et plus moderne, et il était bien aménagé selon des principes dont nous avions compris l’importance pour nous au cours des 5 années de croisière précédentes. L’Allures offrait une bonne visibilité depuis le carré et une bonne luminosité, une table centrale pratique et une salle de travail / salle technique. Nous avons apprécié que l’on puisse se mettre au lit dans le bon sens, sans avoir à grimper et à se retourner. La soute à voile avant était spacieuse, et nous étions attirés par une configuration  sous voile plus flexible pour plus de performance. Enfin, avec son portique arrière et son bossoir, l’Allures 45.9 était conçu pour accueillir des panneaux solaires et pouvait soulever et emporter l’annexe… nous passions d’un bateau de week-end à un bateau de croisière hauturière de qualité, réellement conçu pour la vie en mer ! Nous avons passé la commande de notre Allures 45,9 en avril 2018, et Stravaig a été mis l’eau en juin 2019. »

Profiter de la risée :

« Après la livraison du bateau au chantier de Cherbourg, notre plan avait toujours été d’apprendre à connaître notre bateau au moyen de navigations plutôt courtes, de croisières côtières ou vers des destinations relativement proches. Très vite, nous nous sommes également tenus à l’écart du CoviD-19. En mars 2020, nous étions sur le bateau aux îles Canaries lorsque le confinement a été déclaré en Espagne ; or nous avions prévu de passer l’été en Norvège jusqu’à ce que ce pays ferme ses frontières maritimes. Et finalement, nous nous sommes dirigés vers les îles Anglo-Normandes, où nous avons eu la chance d’obtenir le statut de bateau local pour l’été. Nous avons été en quarantaine pendant 15 jours à Guernesey, mais nous avons ensuite passé deux mois à profiter des îles Anglo-Normandes d’une manière unique et exclusive, car il n’y avait pas de tourisme pendant tout l’été 2020. »

Après avoir navigué dans les îles Anglo-Normandes, appris à connaître le bateau et l’avoir mis au point, Allan et Linda étaient bien préparés pour effectuer la traversée de l’Atlantique et au-delà. Le blog Stravaig commence ici, avec le récit des 10 jours de voyage de Guernesey à Lanzarote !

La voile hauturière en double :

De la régate en dériveur à l’Allures 45.9, le plan a toujours été de naviguer en double ! En janvier 2021, Allan et Linda sont partis de Lanzarote pour rejoindre Grenade. Ils partagent certains de leurs moments préférés et abordent avec perspicacité dans leur blog des sujets tels que le routage météo et la conduite du bateau, qui sont récurrents dans ce journal de bord, notamment destiné à partager l’aventure avec leurs proches.

Itinéraire météo – « Notre route, de Lanzarote à Grenade » par Allan : « En ce qui concerne les conditions, nous n’étions dans rien d’extrême, pas dans de l’extrême prolongé dans le temps, en tout cas. Lorsque nous avons traversé l’Atlantique en 2016, c’était un peu éreintant à 3 personnes, mais cette fois-ci, nous nous sommes sentis assez à l’aise, seuls à bord tous les deux. Les conditions étaient similaires, en fait plus difficiles vers le début de la traversée, mais le bateau gère bien quand la météo devient mauvaise, et nous ne l’avons jamais senti échapper à notre contrôle.

Stravaig - Blue Water Runner

Stravaig Blue Water Runner 1

Notre plan de navigation est assez flexible, avec un large éventail d’options destiné à s’adapter aux conditions. Nous aimons l’excitation de naviguer avec le Blue Water Runner (voile de portant sur enrouleur capable de se déployer en ciseaux ou en simple comme un gennaker) qui, avec 150 mètres carrés, est trois fois plus grand que notre grand-voile !

Autre sensation forte, entre les jours 10 et 11, nous avons croisé le chemin de Charlie Dalin dans le Vendée Globe à moins d’un mille et nous avons communiqué avec lui par radio. On peut se demander s’il a inspiré notre sens de la compétition ou si nous avons reçu de bons conseils météorologiques, car nous avons ensuite enregistré deux jours consécutifs de records ! »  a souligné Allan.

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Route de l’IMOCA Apivia

Le reste du journal de bord de la Transatlantique détaille le constant exercice d’équilibre que représente la navigation au large. Dans tout ce travail, il y a aussi de l’accomplissement et un profond plaisir ; à travers les changements de météo et de voile, l’équilibre entre la direction manuelle et le pilote automatique, l’interaction des systèmes du bateau, un programme alimentaire d’une qualité impressionnante, sans négliger le fait de savoir quand se reposer, la nécessité de faire des pauses pour admirer le paysage et savoir apprécier des rencontres uniques avec la nature.

Barrer la nuit :

« Il n’était que 19 heures, mais il faisait déjà nuit, et le vent était de direction assez régulière, mais avec des rafales. Le Blue Water Runner était sorti à tribord en format asymétrique. Alors que je me préparais à prendre les commandes, j’ai réalisé que cela faisait longtemps que je n’avais pas barré dans l’obscurité. (En fait, Allan m’a rappelé plus tard que bien que nous ayons fait des semaines de navigation de nuit sur Stravaig, nous n’avons pas vraiment fait de pilotage de nuit, donc la dernière fois que j’en ai fait c’était il y a un an et demi).

Je n’arrivais pas à voir la voile, le ciel était noir et l’affichage des instruments avait été réduit pour la nuit et était difficile à lire. J’ai passé dix minutes à pivoter : la roue était sur-corrigée, la voile s’affaissait constamment et le bateau oscillait de 40 degrés ou plus sur le côté… Puis, juste avant de m’énerver, j’ai compris le principe. Comme nous l’avons découvert au cours de notre navigation de jour, cette énorme voile nécessite une manipulation étonnamment délicate. J’ai commencé à tenir la barre au centre et à ramener le bateau vers le vent de quelques degrés à la fois. Tout est devenu calme et elle (et moi) nous sommes installés dans le rythme de la nuit. » Tout va bien. Linda – 3 Jan 2021, Lanzarote à Grenade jour 14.

Le voyage et la destination – en boucle !

Le couple a passé le printemps 2021 à parcourir les îles, à plonger avec bouteilles ou en apnée dans les eaux turquoises des Caraïbes. Suivent une sorte de migration saisonnière, ils se sont progressivement dirigés vers le nord, vers la côte est des États-Unis, tout en établissant des plans pour les magnifiques lieux de navigation de la saison prochaine : les Bahamas !

Un programme alimentaire extraordinaire

« Sur Stravaig, je pense que nous mangeons assez différemment des autres personnes. J’aime cuisiner, nous mangeons de façon contemporaine, principalement des aliments crus. J’ai appris à contourner les difficultés de la cuisine en mer, et même dans ce cas, nous mangeons très bien. L’un des aspects intéressants de la navigation vers d’autres pays est de trouver de nouveaux ingrédients, mais aussi de travailler avec des ingrédients limités et de trouver des aliments sains et délicieux, de faire preuve de créativité. »

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Bon appétit !

Rédactrice et éditrice professionnelle, Linda fait passer la cuisine à un niveau supérieur sur l’Allures 45.9 Stravaig !

« Lors d’une traversée, nous avons tendance à manger moins (à part le grignotage durant les quarts) et nous avons constaté que nous préférions les plats plus simples. Cependant, à l’occasion de notre anniversaire de mariage, Linda s’est surpassée pour nous préparer quelque chose de très spécial : des filets de barbue frits à la poêle dans du beurre de Guernesey, accompagnés d’une salade de fenouil, de courgette et d’oignon rouge avec une vinaigrette au citron vert et à l’orange. Un seul mot pour décrire cela : Brillant. Pour le dessert, nous avons pris chacun un dessert végan d’une marque à la mode. Je n’ai aucune idée de ce dont il était exempt (de gluten peut-être, mais certainement pas de sucre) et surtout de ce dont il n’était pas exempt, la marque en question étant si dominante sur le packaging que tout le reste était consigné dans des caractères trop petits pour pouvoir être lus. Pas aussi brillant que le plat de Linda. »

Découvrez « Stravaig ‘n the Blue », le blog (en Anglais) d’Allan et Linda, en cliquant ici.