Ci-après le récit, fait par Julian avec ses mots de français, de l’acquisition du troisième des Allures 51.9. Ou quand amitié et appel du large se conjuguent pour constituer la promesse de navigations chargées d’émotion.

Je m’appelle Julian, je suis le proprétaire de l’Allures 51.9 #3. Moité Argentin et moitié Italien, je suis né en Argentine et j’y ai vécu pendant 37 ans, jusqu’à notre installation en Suisse avec ma femme Daniela et mes enfants, il y a maintenant 7 ans. 

J’ai navigué toute ma jeunesse, j’ai commencé sur des dériveurs quand j’étais petit, puis suis monté sur des bateaux plus grands, et progressivement j’ai fait de la régate et même des régates océaniques. Puis je me suis marié, et ai eu des enfants mais quand ils étaient petits c’était compliqué, même moi je n’avais pas envie de naviguer à l’époque, je pensais plus à être auprès d’eux à la maison et j’ai donc totalement arrêté la voile.

Julian Regatta in Argentina

Julian : régate en Argentine

Quand on a déménagé en Suisse, la première chose que j’ai faite a été d’aller voir une école de croisère, dans le but de passer un permis de navigation sur le Léman, et j’ai vu que c’était devenu tellement compliqué sur le plan administratif et aussi côté sécurité, que j’ai décidé de laisser tomber. 

Retour aux fondamentaux

Mais après, avec cette histoire de coronavirus, il y a eu une combinaison de choses. La première est liée à un ami argentin, qui vit en Suisse lui aussi, depuis 5  ans, et qui m’a alors dit “c’est le moment de faire quelque chose ; passons ensemble le permis moteur car, pour naviguer à la voile, il faut avoir une place de port, or c’est vraiment très difficile ici, avec une liste d’attente de plus de 10 ans”. Il continue et me dit : “mais si par contre on achète un bateau à moteur, c’est possible, il y a à tel endroit une marina privée, et si on achète le bateau chez eux, ils proposent une place de port”. Je n’aime pas trop naviguer en bateau à moteur mais c’était une manière de retourner sur l’eau, et je me suis laissé convaincre.

J’ai commencé à suivre des cours, pour réapprendre ce que je connaissais déjà, mais cette fois en français et avec en même temps des particularités locales à intégrer. Mais très vite, je me suis dit “le bateau à moteur c’est bien pour avoir les pieds sur l’eau mais ce n’est pas mon truc”. Donc j’ai acheté un Laser, j’en avais eu un auparavant en Argentine, ça m’a permis de recommencer à naviguer pour de vrai, à la voile, et en quelque sorte de revenir aux fondamentaux. 

En regardant l’océan

Quelques mois plus tard, la première vague du coronavirus était partie et on est allés en vacances à Cadix, en Espagne. Je me souviens, sur la plage, au bord de l’Atlantique, qui a cette couleur spéciale, la même qu’on observe du côté argentin et que je trouve très différente de la Méditerranée. Je ne suis pas un expert, mais je trouve qu’il y a vraiment une énergie différente. Et donc, en regardant l’océan, je me suis souvenu de tous mes rêves quand j’étais jeune. Ma femme Daniela arrive à ce moment et me dit “tu te souviens que quand on s’est connus tu voulais faire le tour du monde à la voile ?”. Je m’en souvenais bien évidemment et je lui dis : “Oui, bien sûr, et je pense que le moment est venu… Les enfants ont grandi, et ce coronavirus nous montre qu’il ne faut rien prendre pour définitif dans la vie”. Et là ma femme me répond : “c’est OK pour moi, on y va” !

Julian and Daniela

Julian et Daniela

Ce même jour, j’appelle un autre ami argentin, qui vit en Argentine, on se connaît depuis plus de 20 ans ; je lui raconte, et lui dis “Santi, je cherche un bateau, j’ai regardé tel et tel modèle”. Il me répond : “Arrête ! J’ai ce plan moi aussi d’acheter un voilier, cela fait deux ans que je recherche des informations sur le bateau qu’il me faut, j’ai enquêté là-dessus pendant des mois. J’ai encore quelques questions, mais si tu veux, limite toi à ça, à ça et à ça”, et alors il me cite les noms de trois modèles construits par des chantiers européens.

Un choix réfléchi

Je voulais un bateau plus grand, Santi en voulait un plus petit ; lui cherchait un voilier d’une longueur maximum de 46-47 pieds, je visais pour ma part un 60 pieds. Il me dit “non, 60 pieds, pour toi, c’est trop grand, tu vas beaucoup naviguer seul ou en couple, il faut que tu choisisses un modèle moins grand”. Mon ami a partagé avec moi le fruit de ses recherches ; j’avais effectué les miennes, beaucoup plus limitées, et on a mis le tout ensemble, puis on a fait une “short-list”. Je voulais un bateau en aluminium mais, dans mes souvenirs, tous les bateaux en alu que j’avais vus en Argentine étaient hyper moches, avec une coque carrée, et mal entretenus. en plus de cela. Je voulais un bateau joli, sûr, performant… c’est alors que Santiago m’a dit “il faut que tu regardes la production du chantier Allures”.

Je parle là de mi-fin juillet 2020. On a alors fait beaucoup de visioconférences avec Santiago. Je lui dis : “on y va, moi je veux agir, je ne souhaite pas attendre”. Il me répond : “non, sois patient, on a besoin d’encore deux ans”. Et je lui dis : “ah non, c’est maintenant ou jamais”.

“Quand on a visité le chantier Allures, on a tout de suite vu la performance, la qualité, le professionnalisme”

Une décision forte et rapide

Nous sommes venus à Cherbourg avec mon épouse fin août 2020 : on avait planifié de visiter aussi un autre chantier en Angleterre. La possibilité de traverser la frontière depuis la Suisse étant limitée, nous avons fait le voyage en voiture, on ne voulait pas prendre l’avion. Quand on a visité le chantier Allures, on a tout de suite vu la performance, la qualité, le professionnalisme qui régnaient autour de nous. On a aussi bénéficié d’un excellent accueil, et quand on a vu la manière dont vous traitez les bateaux, le matériel, la compétence… tout cela a joué dans notre décision. Et d’ailleurs, on n’a même pas cherché à voir les autres chantiers qu’on avait identifiés auparavant !

 

Julian Daniela on Allures 459

Daniela à bord d’un Allures 45.9

J’avais l’expérience d’avoir construit un bateau en Argentine, et le mot professionnalisme ne s’applique pas là-bas, au moins avec le chantier en question, mais hélas je dirai que c’est le cas avec presque tous les chantiers du pays. Ce sont souvent des chantiers familiaux, c’est génial, je n’ai rien contre cela, mais là où la première génération fait les choses avec beaucoup de conscience et d’efforts, on voit que trop souvent la deuxième génération brûle tout, et dans ce qu’ils brûlent, il y a ton argent – et aussi hélas, la qualité. Ça ne marche pas, j’ai eu vraiment beaucoup de soucis de qualité. 

La promesse d’émotions futures

En venant ici, je suis tombé amoureux de ce compromis entre l’aluminium, la manière de traiter ce matériau, l’élégance du bateau, le dessin de carène en forme, tout cela. On a signé le contrat le lendemain du jour où nous sommes venus, ça n’a pas pris longtemps.

“La promessse de ce bateau, quand je me vois à bord, c’est de pouvoir réaliser mes rêves”

La promessse de ce bateau, quand je me vois à bord, c’est de pouvoir réaliser mes rêves. Nos plans sont, à partir du printemps 2022, et pour la première année, de naviguer en Méditerranée, afin de prendre le temps de se connaître et de tomber amoureux les uns des autres, réciproquement, nous et le bateau. Ensuite, en décembre 2023, nous ferons la traversée de l’Atlantique et, à partir de là, une fois aux Caraïbes, nous aurons le choix entre deux options. La première est de traverser le canal de Panama et de faire un tour du Pacifique – et après on verra. La deuxième option – c’est sans surprise celle que je préfère – est de faire cap au sud, le long de la côte brésilienne, vers l’Argentine. L’arrivée à Buenos Aires avec mon bateau sera un moment fort. Après, j’aimerais descendre jusqu’à la Patagonie, aller aux Malouines, c’est un endroit que j’ai souhaité visiter toute ma vie (pour nous c’est les Malouines, pas les Falklands !) et bien sûr franchir le Cap Horn, pour cocher cette case. Ensuite, on verra : soit on remontera l’Atlantique, soit on gagnera le Pacifique, probablement en empruntant les canaux chiliens. Rien n’est fixé car on parle ici de dans plusieurs années, mais une chose est sûre c’est que cela représente un programme très fort en émotions pour nous !

Une belle histoire d’amitié

Quand on a dit à Santi qu’on avait signé le contrat avec Allures Yachting, il a senti la pression : on l’a poussé un peu ; je crois en fait qu’il n’avait vraiment pas besoin d’être poussé, mais que, venant de nous, il  en avait envie, c’était pour lui une manière d’aller au bout de l’histoire, qui est aussi une histopire commune. Et du coup, on s’est fait la promesse de naviguer ensemble, de faire la traversée de l’Atlantique à deux bateaux, bord à bord. Il y a là un côté émotionnel, mais aussi un aspect réconfortant, sécurisant, car c’est un super bon marin. Il y a beaucoup de gens avec lesquels j’aimerais faire des choses importantes dans ma vie. Mais il y en a peu qui, comme Santiago, à la fois, rentrent dans cette catégorie et qui, en même temps, soient de bons marins. Voilà toute l’histoire, et je suis d’accord pour dire que c’est aussi une belle histoire d’amitié.