Catherine et Bruno ont fait le tour de l’Atlantique, une année durant, avec leurs quatre enfants, à bord de leur Allures 45 Varatraza II. Un projet familial, une « éclipse océane » comme ils aiment à l’appeler, un rêve réalisé par tous, dans lequel chacun a trouvé sa place et dont tous ont ramené 1000 richesses.

 

Bruno, quelle est l’origine de votre projet de voyage en voilier ?

Avec Catherine, nous avons toujours dit à nos enfants que nous partirions un jour vivre cette aventure en famille qu’est une année de voyage sur l’Atlantique. Alors, si tout n’a pas été simple, ils n’ont pas été surpris quand nous avons pris la décision de réaliser ce qui était un rêve complètement partagé. Nous avons fait nôtre la devise de Bernard Moitessier : « Tout ce que les gens ont fait de beau et de bien, ils l’ont construit avec leurs rêves. »

Vous avez donc embarqué toute la famille sur Varatraza ?

Varatraza, c’est l’Alizé de l’Océan Indien, là où sont nés William (14 ans lors du départ) et France (12 ans), nos deux aînés. Avec leurs deux petites sœurs, Romane (9 ans) et Paloma (6 ans), nous étions donc six à bord de notre Allures 45.

Quatre enfants, trois cabines, deux par cabines ?

Non, la cohabitation entre William et l’une de ses trois sœurs était trop « risquée » (rires) ! Il avait donc sa cabine à lui, nous les parents la nôtre bien sûr, et les trois sœurs se partageaient la cabine avant qui avait été spécialement aménagée pour cela par le chantier Allures. La paix du bord était à ce prix.

Mais tout s’est bien passé…

Cette histoire, notre histoire, s’est parfaitement déroulée, bien sûr, même si quitter nos parents, leurs grands-parents, la famille au sens large, les amis, les activités a été un moment difficile pour tous. Mais ce que nous avons vécu en douze mois est tellement riche. Et puis nous avons très vite rencontré d’autres familles en navigation, et les enfants se sont encore plus rapidement fait des ‘batoscopains’ comme ils disent, qu’ils retrouvaient d’escale en escale, voire au beau milieu de l’Atlantique comme nos amis de ‘Tiplouf’ ! Et puis le timing était idéal : c’était la dernière année de William au collège, et Paloma venait juste d’apprendre à nager.

Quels moments forts retiennent les enfants de cette année ?

La transat en elle-même, entre Cap-Vert et Martinique, est certainement un souvenir marquant pour eux. Ils n’avaient  jamais passé quinze jours consécutifs en mer. Cela reste dans leur mémoire comme un voyage extraordinaire, même si de temps en temps ils en ont eu marre, par exemple quand nous avons déchiré le gennaker dans un grain blanc entre Cap-Vert et Antilles. Cela aura été une extraordinaire aventure, une traversée dont on se rappellera notre vie entière, un moment gravé inoubliable…

Les rencontres ont également été importantes. Alors qu’avant le départ ils avaient peur de se sentir seuls, ils se sont fait plein de copains de leur âge, et l’ambiance aux escales était parfois épique. Je pense que cela a été pour eux une formidable fenêtre ouverte sur le monde. Quand, en rentrant, ils nous ont dit que cela leur faisait bizarre que tout le monde parle français, cela a été un cadeau extraordinaire ! Et notre petite Paloma qui, à 6 ans, seule sur son cheval, se promène à Cuba, quelle chance ! Enfin l’escale à New-York, où William a fêté ses 15 ans, a été un moment exceptionnel, et découvrir la statue de la Liberté une vraie émotion.

Comment se sont passés les cours à distance avec le CNED ?

Le suivi de la scolarité de nos enfants s’est déroulé sans encombre. Généralement, ils travaillaient tous les matins et étaient plutôt autonomes, les plus grands aidant les plus jeunes, nous n’avions plus qu’à contrôler les évaluations ! Cela fonctionne très bien et le niveau est excellent. Qui plus est, tout ce qu’ils ont appris au quotidien, pendant les traversées, dans les pays visités, par les gens rencontrés est encore plus inestimable.

Et vous, quel pays vous a le plus surpris ?

C’est difficile à dire. Le Sénégal a été un choc c’est sûr. Mais le plus surprenant a peut-être été Cuba. Pourtant on en avait rêvé, nous en avions parlé, de cette escale un peu mythique. Alors quand nous y sommes arrivés, après trois jours de mer depuis la République Dominicaine, non sans avoir caché le téléphone satellite pour qu’il ne soit pas consigné, et après moult formalités, un doux sentiment d’accomplissement nous a même envahis. Pourtant une fois à terre, nous avons vraiment été stupéfaits. C’est comme si le pays était resté figé dans les années 50… Les gens circulent à vélo, à cheval ou en carriole. Les maisons sont très simples, souvent en bois, les petits vieux sont sur le bord de la route, assis dans leur rocking-chair et regardent les gens passer plutôt que la télévision. Chacun vend la petite production de son jardin sur le bas-côté de la route… La société d’hyper consommation n’est pas encore arrivée jusque-là… que c’est reposant ! Cuba nous a littéralement séduits, enchantés, envoûtés…

Vous avez aussi réalisé une mission avec Voiles Sans Frontières…

Quel moment oui ! C’est une mission que nous avions préparé avant notre départ, notamment en collectant des fonds, et il nous tenait à cœur que les enfants s’y investissent et que nous nous rendions sur place, plus précisément dans le village de Siwo dans le Sine Saloum au Sénégal. La remontée du fleuve a été épique avec plusieurs échouements sur des bancs de sable, et William dans l’annexe pour nous en sortir, mais nous sommes finalement arrivés. Et quel accueil mémorable ! Une vraie découverte, un choc des cultures dans des conditions parfois dures pour nous, occidentaux. Nous avons été à la fois enchantés de voir que les projets VSF apportaient une vraie amélioration, dans les écoles notamment, mais également effrayés de tout ce qu’il reste à faire. Il nous en reste mille sourire, des tonnes de gentillesse et tellement de questions sur ce que nous pourrions faire de plus…

Mais la fin du voyage ne s’est pas exactement déroulée comme prévu…

Non en effet. Si nous avions bien mis le bateau en vente, nous avions aussi prévu de faire la transat retour sans les enfants, qui étaient rentrés en France par avion. Et puis un couple Franco-Américain de Washington s’est montré intéressé par l’acquisition de Varatraza. Le contact a été excellent, la confiance réciproque a permis de surmonter les quelques écueils administratifs liés à la vente d’un bateau Français sur le territoire américain, et nous avons donc redescendu le bateau vers la baie de Chesapeake. Nous étions très attachés à ce bateau après tout ce que nous avions vécu à son bord, alors cela a forcément été un petit déchirement. Mais nous sommes heureux de l’avoir laissé entre de bonnes mains, pour qu’il vive d’autres aventures.

 

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